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Mauvais caractère ou difficulté à gérer ses émotions

Dernière mise à jour : 29 août


Les images sont issues de Pixabay

N., 8 ans, a jeté son vélo contre le mur, l'enduit est parti. Il boude parce qu'il a été grondé. Raccourci trop courant : il est mal élevé, il a mauvais caractère, il se prend pour "le roi du monde".

Isa, 49 ans, sort de son bureau et s'emporte sans raison apparente "fichez-moi la paix, je veux être toute seule !". Raccourci possible : elle est caractérielle.


Trop souvent on associe les émotions à l'intelligence et on estime qu'une personne intelligente et équilibrée doit gérer ses émotions. Les enfants n'y échappent pas, ils doivent rapidement apprendre à se raisonner.

Décryptage afin de montrer que la situation est souvent plus complexe que cela. L'image choisie n'est en effet pas anodine : on ne voit qu'une partie de ce qui se passe, généralement on voit "le cri" et/ou "la bouderie", souvent on ne voit pas que c'est en fait une image mirage et que l'image réelle est cette main "à l'aide".


Mon enfant s'énerve pour rien !

La tentation est grande de penser que l'enfant s'énerve pour rien. Surtout si cela se produit souvent.

Découvrons maintenant ce qui s'est passé avant que le vélo soit jeté contre le mur : A. a vu un grand maitriser son vélo ; elle est au début de l'adolescence, cet âge où on souhaite relever des défis et en lancer. Sans penser à mal, sans réaliser le danger de ce qu'elle propose (N. n'a pas la maitrise de ce grand), elle lance un défi à N. : il doit circuler sur une rampe étroite, avec une pente raide au sol accidenté. N. refuse, il a conscience que c'est compliqué pour lui, il a peur, mais en même temps, il se sent "nul" de ne pas pouvoir le faire. Il jette le vélo.

Plus l'enfant se sentira frustré "de ne pas pouvoir", plus il sentira incompétent, plus il tendra à s'agacer vite.

Moins il parviendra à le comprendre et le formuler, plus il s'agacera.

Plus il sera jeune, plus il souhaitera suivre un modèle, plus une fois encore il aura peur et/ou se sentira incompétent, plus il tendra à s'agacer rapidement.

De plus, la maturité émotionnelle ne s'acquiert pas à l'enfance, il a besoin de temps.

Il a besoin de temps pour mieux gérer ses émotions.


Mon enfant ne veut jamais reconnaître ses torts et s'excuser

Cependant, même si nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre que les enfants ne sont pas émotionnellement matures, nous pouvons être fortement agacés que même "pris la main dans le sac", l'enfant continue de nier et de ne pas regretter son geste.

Revenons à N. Inquiète pour lui et parce que même preuve à l'appui, N. a nié avoir jeté son vélo, Isa a crié très fort. Aucune envie de s'excuser, au contraire, il était très en colère.

Décryptage : N. a eu peur, il s'est senti de plus incompétent, il n'a pas pu de plus gérer son émotion, son estime de lui est en danger et de surcroit, N. a des particularités qui font qu'il n'est pas capable de gérer simultanément deux émotions. Lui, il ressent la colère, seulement la colère, la sienne et celle d'Isa.

Habituée aux enfants et aux profils particuliers, Isa le réalise, son ton s'apaise, elle prend le temps de lui expliquer ses émotions à lui, elle lui parle de sa peur face à la colère. N. s'apaise, il écoute, hoche la tête. Alors elle s'excuse de l'avoir effrayé en criant et elle lui parle de son émotion à elle. Seul, il dit qu'il est désolé. Personne ne lui a demandé, il a compris. Il file voir son papa et lui dit "j'aime bien quand on me gronde explicatement".

Les clés étaient là : analyser la situation, écouter, expliquer et même être capable de s'excuser soi-même.

Pour cet enfant en particulier, une autre dimension devra être "travaillée" et surtout comprise, c'est la difficulté à gérer simultanément deux émotions. Il aura besoin de les séparer pour y parvenir.


Aucun lien entre "Tu es intelligent" et " donc tu devrais gérer mieux tes émotions !"

Une remarque trop fréquemment entendue par les enfants et même par les personnes autistes et/ou avec plusieurs hypersensorialités ou multiples compensations (forte dyspraxie, TDA, etc.).

L'intelligence intellectuelle n'a en fait rien à voir avec les émotions. On pourrait tout au plus lier intelligence émotionnelle et émotions. Et pourtant tout n'est pas si simple.


Isa, c'est moi. Je dispose d'une grande intelligence émotionnelle et pourtant, je ne gère pas toujours mes émotions convenablement. Parfois, je n'en peux plus, je m'irrite, j'ai envie de me rouler en boule, d'être seulement seule et au calme, parfois j'ai besoin de me ressourcer. J'ai pris pour habitude de compter mes "cuillères" (vidéo destinée normalement aux personnes autistes, également applicable à toute personne dont la fatigabilité est conséquente). S'il me reste 2 cuillères, il vaut mieux que la journée soit presque terminée ou bien que je n'éprouve pas de stress supplémentaire. Hier soir, j'étais à 0, plus aucune ressource disponible. J'ai prévenu "fichez-moi la paix, je n'ai plus de cuillères" et je suis sortie prendre l'air quelques minutes dans mon jardin. Puis, j'ai bu un grand verre d'eau et j'ai cuisiné (cela m'apaise). Heureusement la soirée a été plutôt calme ensuite.


Nous pouvons TOUS manquer de patience, avoir besoin qu'on nous fiche la paix. Fatigue, stress, pas assez mangé, pas assez dormi, etc. Si les besoins essentiels ne sont pas satisfaits, nous manquons de "carburant". Or, essayez de faire fonctionner la plus performante des machines, le plus performant des ordinateurs sans énergie, vous n'aurez aucune chance que cela se produise.

Certains d'entre nous, adultes ou enfants, peuvent manquer plus rapidement de ce carburant car l'énergie de base est plus basse, le "réservoir" est plus "petit". Dans ces conditions, il est logique que la fatigabilité soit bien plus grande.


Voici les principales difficultés qui vont amener à un épuisement plus rapide (y compris profils particuliers) :

  • besoins naturels insuffisamment satisfaits : faim, soif, repos, etc.

  • besoin d'appartenance insuffisamment satisfait : sentiment de ne pas être à sa place, etc.

  • manque d'estime de soi.

  • des difficultés à compenser en raison d'un profil particulier, c'est par exemple le cas des personnes qui peinent à poser leur attention, de celles qui peinent à se repérer dans l'espace, ce qui exige des efforts attentionnels constants. Mon cerveau pense vite, mon corps ne suit pas, cela m'a très longtemps agacée, ce qui m'a conduite à repousser plus mes limites et m'épuiser davantage. "Ma" sage-femme m'avait dit "ne cherchez pas à devenir une Ferrari, vous avez le moteur d'une 2CV". Ok, nous apprenons à gérer avec notre "capital".

  • l'hypersensorialité s'il y a sur-stimulation (et cette surstimulation est généralement sous-estimée par ceux qui ne sont pas concernés).

  • l'hyposensibilité sensorielle s'il faut être constamment vigilant pour compenser.

  • la gestion des émotions d'autrui (émotions des autres perçues avec ou sans compassion particulière). La difficulté est que les émotions d'autrui perturbent la personne empathe. En effet, les enfants hypersensibles et les personnes autistes ont souvent des difficultés à dissocier leurs émotions de celles des autres, ils sont alors "envahis" et épuisés.

  • la "socialisation" : les codes sociaux sont difficiles à acquérir pour les personnes autistes. On tend à croire que socialisation = bonnes manières, or c'est bien plus que cela. Lorsqu'on ne partage pas les mêmes codes que le groupe dans lequel on évolue, c'est un effort constant et lorsqu'on ne les comprend pas, ça l'est encore plus.

  • les sollicitations : lorsque les sollicitations sont nombreuses (ou trop nombreuses par rapport à ce qui peut être géré), l'épuisement pointe une fois encore son nez.

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