Généralement, lorsqu'un enfant ou un adolescent est dys, on pense qu'il est impossible d'apprendre une langue étrangère, en particulier l'anglais.
En effet, avec la méthode française d'apprentissage de l'anglais, cet apprentissage s'avère plus que compliqué et pas seulement d'ailleurs pour les enfants dys. Ce n'est pas pour rien si tant de jeunes ont des difficultés en anglais. La cause est que cet apprentissage est déconnecté de toute réalité. En effet, l'apprentissage de la grammaire est omniprésent or une langue vivante s'apprend en la pratiquant, pas en la décortiquant.
De plus, en pratiquant un apprentissage que j'estime "déconnecté", les difficultés des langues sont mises en valeur : phonologie parfois complexe, phonèmes parfois inexistants en français, graphie pouvant être différente, parfois peu de correspondance entre l'écriture et le son (exemple le fameux "u" qui se prononce "ou" en anglais et "u" chez nous), orthographe non régulière.
Une seule alternative : un apprentissage vivant.
Apprentissage vivant
Au contraire, avec deux filles dys instruites en famille, j'ai ancré l'apprentissage dans des situations vivantes.
Dans 2 articles rédigés il y a 5 ans (lien ici et là), j'expliquais ainsi que l'apprentissage avait été possible grâce à des situations concrètes :
comptines et chansons, karaokés,
dessins animés en immersion
vidéos sous-titrées en français, puis en anglais afin de créer une double imprégnation
échanges en direct : correspondances, échanges vidéos
échanges en direct : immersion avec des voyages
utilisation de flashcards,
de textes lus ensemble,
de livres lus ensemble puis séparément,
de champs lexicaux pour développer la mise en application et le bonheur de s'exprimer (écrire) dans une autre langue
avec des jeux (cf. liens cités ci-dessous)- Désormais je propose aussi des jeux dont jeu conjugaison verbes irréguliers et flashcards dans le Monde de Mei et Noé (lien là).
de liens : retrouvez également ici mes nombreux liens pour l'anglais (vidéos, textes gratuits, sites d'apprentissage, etc.). Clic sur les intitulés pour les autres langues : allemand, chinois, italien, langues (divers)
Pour aller plus loin, un article sur Apprendre avec bonheur : Forums et librairies là.
Quelques conseils supplémentaires
Favorisez des structures répétitives afin de bien ancrer des modèles grammaticalement corrects. Ainsi l'apprenant répète en complétant, il s'imprègne de cette structure.
Pas d'épellation dans la langue étrangère ! Une erreur est d'épeller pour apprendre le mot. Or si on prend l'exemple de l'anglais et du français, ces deux langues sont très différentes ! A titre informatif, j'ai étudié le français "langue étrangère", l'objectif était de pouvoir enseigner le français à des personnes étrangères, j'ai pu constater combien la gymnastique pour passer d'une phonologie à l'autre était complexe. Comment un cerveau apprenti et plus encore un cerveau avec difficulté pourrait jongler aisément entre les deux langues ?! Si épellation il y a, celle-ci doit être uniquement avec le mot en face de soi et limité à des circonstances précises et peu fréquentes.
La grammaire et la conjugaison ne sont pas le coeur d'une langue ! Chaque chose vient en son heure. Lorsque vous apprenez à parler, vous ne commencez pas par réciter des temps ou savoir identifier un nom ou un verbe, pourquoi faudrait-il agir autrement avec une langue étrangère ? Non seulement c'est décourageant, mais cela induit une vision faussée de la langue ! De plus, il n'y a rien de plus décourageant, a fortiori si l'apprenant est dys ! Donc attendez qu'un minimum de maitrise soit acquise pour aborder grammaire et conjugaison.
Si dys avérée et forte, il est fort possible malgré tout que la grammaire et la conjugaison restent des connaissances fragiles. Et alors ? Ma fille cadette n'a jamais eu un apprentissage des langues "déconnecté" de la réalité comme c'est hélas pratiqué en classe. Elle a obtenu bac et licence avec mention bien, elle a obtenu de très bonnes notes en anglais et en italien. Donc oui, c'est possible d'apprendre une langue étrangère en étant dys. En revanche, c'est un fait encore aujourd'hui grammaire et conjugaison sont difficiles, sa maitrise est cependant suffisante pour écrire et parler correctement. La différence réside dans l'identification du temps par exemple.
Appréciez les atouts de l'immersion: en situation réelle (voyage ou accueil d'une personne anglaise ou échanges avec un anglophone), il est nécessaire de communiquer et si on se trompe, ce n'est pas grave ! C'est en écoutant et en ajustant qu'on apprend. L'écoute est un autre secret. Cette écoute est également possible via des chansons et vidéos. Si vous maitrisez l'anglais, possible aussi de créer de petits sketchs ensemble ou bien de jouer par exemple "les anglais" ainsi nous avions pour habitude de nous promener parfois dans des lieux publics en parlant exclusivement anglais !
Possible de créer des maisons des sons : images avec mots à ajouter dans une maisonnette (support papier à imprimer ou dessiner) qui ont des sons identiques, par exemple son "aïe" (I), etc.
Jouez ensemble : jeux pédagogiques comme ceux proposés sur le Monde de Mei et Noé ou jeu tout simplement ludique, jeu en anglais ou jeu adapté. Ainsi nous avions adapté le jeu Time's up en le traduisant en anglais. Mêmes règles, mais jeu en anglais.
Regardez encore et encore les mêmes vidéos pour s'imprégner de celles-ci et des mots utilisés (évidemment vidéo appréciée sinon elle ne présentera aucun intérêt pour l'apprenant).
Atouts et pièges du sous-titrage : si on se contente d'un sous-titrage en français avec vidéo en anglais, on entend la musique de la langue étrangère, mais lorsqu'il y a dys, le risque est que cette forte concentration se traduise au final par un filtre où seules les paroles en français sont lues... Donc séances courtes ou film déjà connu pour pouvoir se détacher de l'écrit. Le mieux est de pratiquer à la fois la langue à l'oral et à l'écrit en s'autorisant à alterner de l'un à l'autre! Sinon, une fois encore, la fatigue est au rendez-vous. L'idée n'est pas de tout lire, mais de piocher un mot ici et là pour s'assurer de la compréhension.
Lors des séances d'écriture : traduisez les mots inconnus s'ils n'ont pas été devinés, possible de mettre à disposition dans un premier temps des listes de vocabulaire illustrées d'images. Laissez à disposition un dictionnaire ou laissez chercher dans un dictionnaire en ligne.
L'intérêt des champs lexicaux est multiple, en particulier développement du vocabulaire, association de mots liés en contexte, associations de mots entre eux, pas besoin de rechercher et se concentrer en même temps sur cette recherche (le cumul des tâches étant difficile et épuisant lorsqu'on est dys).
Création de vidéos et/ou de powerpoints avec pour sujet un intérêt d'un apprenant.
En revanche aucune utilisation de google translate ou autre. D'une part, fréquente erreur de ces moteurs de traduction automatique. D'autre part, le risque est tout simplement l'assistanat : en clair que le jeune se contente d'utiliser ce moteur sans chercher à s'approprier la langue. Ce n'est pas grave de se tromper et même, en débutant, d'écrire du franco-anglais (mélange de mots français et anglais).
Relisez ensemble les textes rédigés. Ne corrigez pas tout avec l'auteur du texte car il risque sinon de se sentir fortement découragé. Relisez de votre côté en utilisant une couleur moins agressive que le rouge et remettez-lui d'une part le texte avec corrections et d'autre part, le texte propre (plus facile si réalisation à l'ordinateur). Si vous êtes enseignant(e), possible de procéder en ajoutant au moins une partie de commentaire (travail très long si long texte, je vous l'accorde, j'ai également vécu cette situation).
Pour les plus perfectionnés, vous pouvez aussi les encourager à vérifier des structures et traductions en utilisant un outil comme linguee. En effet contrairement à des moteurs de traduction classiques, il propose des exemples tirés de textes anglais rédigés. Les exemples permettent ainsi de vérifier la cohérence de la traduction et d'enregistrer de nouvelles structures de phrases.
Mettez systématiquement en valeur les qualités du texte produit.
Et l'évaluation alors ? L'évaluation est, selon moi, un concept inutile et démoralisant ! En effet, on n'apprend pas pour les autres, mais pour soi ! A partir de là, on comprend que le concept même d'évaluation n'a aucun sens. En instruction en famille, je vous déconseille donc l'évaluation afin de nourrir la motivation de votre enfant. Ici il n'y a jamais eu d'évaluation en dehors de la préparation des examens et cette évaluation était alors choisie. A l'école, c'est compliqué car l'enseignant n'est pas libre de réaliser ce qu'il veut et on attend, surtout des enseignants à partir du collège, qu'il évalue... Dans ce cas, avec un élève dys, je vous conseille de ne pas accorder trop d'importance aux questions d'étude de langue et à l'orthographe. Ce n'est pas parce qu'il y a énormément d'erreurs aujourd'hui que cela durera, mais cet apprentissage est très difficile pour un élève dys, essayez de passer au-delà, évaluez sur les progrès. Pensez à alléger les consignes, à attendre moins de contenu ou si l'élève a produit plus de contenu car passionné, comprenez qu'il est plus difficile de comprendre la fin du texte car la concentration est de plus en plus faible. Encouragez cette initiative et donnez-lui des astuces adaptées (dire "mais concentre-toi sur la grammaire", c'est méconnaitre son profil, mieux vaut lui donner une astuce mnémotechnique).
Donnez du temps, cultivez la confiance en soi ! Pointez ce qui est réussi au lieu des échecs (qui sont d'ailleurs un processus naturel).
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